Découvrez l’Arménie (Partie 1)
Introduction
Il y a une chose que vous ne savez peut-être pas à mon sujet : je suis d’origine arménienne. Bien que mon enfance n’ait pas été vraiment baignée de cette culture, j’en ai tout de même goûté quelques aspects. Et si je dis « goûté », ce n’est pas par hasard, car ce qu’il y avait d’arménien chez nous, c’était la nourriture. Seule ma grand-mère parlait la langue, avec ses sœurs et quelques-unes de ses amies. Je n’ai donc pas souvenir l’avoir entendue l’utiliser. On ne parlait pas non plus vraiment du passé. Pas de ce passé là en tout cas. Mais on mangeait régulièrement des beureks, des dolmas, des kœftehs accompagnés de boulghour, ou encore du riz pilaf. Et à Noël, mon oncle allait toujours chez Bahadourian (l’épicerie arménienne de référence à Lyon) et ramenait du pasterma, du soudjouk, du halva et d’autres produits typiques.
Je garde précieusement les feuilles volantes sur lesquelles ma grand-mère, à ma demande, m’a écrit dans le bel alphabet arménien toute une liste de mots du quotidien auxquels j’ai ajouté la traduction phonétique. J’aimerais beaucoup apprendre cette langue, mais il est très difficile de trouver des manuels adéquats. J’ai acquis quelques bases grâce à un ami, ma grand-mère n’étant plus là pour me les enseigner, mais il me reste encore du chemin à parcourir ! Bref, voilà pour l’introduction. Ce dont je vais vous parler plus en détail ici cependant, c’est de mon voyage en Arménie, en septembre 2015 : les lieux que nous avons visités, quelques infos pratiques, le tout arrosé d’un peu d’histoire.
L’arrivée à Erevan
Nous sommes arrivés dans la capitale, Erevan, par avion, peu avant 4h du matin. Je ne sais pas si les choses ont changé depuis, mais en 2015, quelle que soit la compagnie choisie, tou sles vols arrivaient entre 3h et 6h du matin environ. Que ce soit de France ou d’Allemagne, il n’y a pas non plus de vol direct. Comme nous vivions à l’époque à Francfort-sur-le-Main, nous sommes partis de là-bas via l’Autriche avec Austrian Airlines.
Depuis l’aéroport de Zvarnots, la seule option pour rejoindre le centre d’Erevan est de prendreun taxi. Mon ami arménien nous avait donné quelques conseils et un peu de monnaie (les drams, 1 euro = environ 500 drams). Selon lui, qui va en Arménie au moins une fois par an, ce trajet ne devait pas coûter plus de 2000 ou 3000 drams (entre 4 et 6 euros). Le premier chauffeur à nous aborder nous a annoncé, après nous avoir jaugés de la tête aux pieds, un « bon prix » à 15 000 drams. En connaissance de cause, nous avons bien entendu refusé, mais les chauffeurs se sont vite fait passer le mot. Finalement, un chauffeur de taxi arrivant alors que nous étions encore en train de négocier nous a pris pour 5000 drams, un tarif dont nous sommes très fiers même s’il reste plus élevé que le tarif normal, car des touristes américains d’origine arménienne nous ont appris plus tard qu’ils avaient, eux, payé plus de 40 000 drams (soit dans les 75 euros).
Sur les conseils de mon ami encore, nous avons demandé à être déposés à la « Cascade », un monument sous forme d’escaliers de pierre, décoré de fontaines et autres sculptures, et abritant un centre d’art contemporain. Nous y avons passé les dernières heures de la nuit avant de pouvoir rejoindre notre chambre d’hôtes au petit matin.
Le pays étant petit, nous avons élu domicile dans la capitale pour quelques jours et effectué diverses excursions depuis ce point de départ.
Erevan
La première chose que nous avons faite en arrivant a été de nous acheter une carte SIM. C’est ce que nous faisons toujours car cela ne coûte généralement pas grand-chose et c’est bien pratique si jamais nous avons besoin de nous renseigner sur quelque chose de particulier ou pour effectuer des réservations de dernière minute.
Nous avons beaucoup marché dans le centre, sommes retournés vior la Cascade de jour, l’avons escaladée pour voir le mont Ararat, sommes passés plusieurs fois devant l’opéra, avons traversé le marché « Vernissage », et la place de la République, où nos pas n’ont cessé de nous ramener lors de nos balades. Le soir, la fontaine de la place de la République est animée d’un spectacle lumineux et musical très populaire. De manière générale, la ville est très animée en soirée. L’ambiance est détendue, il y a beaucoup de monde dans les rues et de la musique un peu partout. J’ai beaucoup aimé m’y promener à la nuit tombée.
Nous avons également visité le musée du Génocide, que j’ai trouvé extrêment intéressant. J’aurais d’ailleurs aimé y passer plus de temps, mais nous y sommes arrivés un peu trad. J’ai bien aimé aussi le Matedaran, le musée des Manuscrits. Celui-ci offre des visites guidées dans de nombreuses langues. Nous y avons beaucoup appris sur la langue et sur l’écriture arméniennes et la visite était pinctuée de nombreuses anecdotes.
Côté langues justement, l’anglais est très peu parlé, par contre le russe est dans toutes le bouches. Si vous vous rendez seul en Arménie, il est donc utile d’en connaître au moins quelques mots. Les noms des rues sont écrits en arménien, mais aussi en lettres romaines, ce qui aide à se retrouver.
Khor Virap
Une fois que l’on quitte la capitale, par où commencer ? Par le symbole de l’Arménie, peut-être, le mont Ararat. Visible depuis Erevan lorsque le temps s’y prête, il s’élève, majestueux... en Turquie. Les Arméniens n’ont donc plus accès à leur montagne sacrée, où il est dit que l’Arche de Noé s’est échouée. Ce qui ne les empêche pas de pouvoir l’admirer en de nombreux endroits, notamment depuis le monastère de Khor Virap, à la frontière turque.
Pour situer : le mont Ararat est situé dans la partie de l’Arménie historique concernée par les Traités de Sèvre (1920) et de Lausanne (1923). Le traité de Sèvre donnait l’Ararat aux Arméniens, mais il n’a jamais été ratifié par tous ses signataires et a été remplacé par le Traité de Lausanne, qui a donné à l’Arménie les frontières qu’on lui connait aujourd’hui. Avec le Traité de Sèvre, l’Arménie aurait également obtenu son indépendance et serait devenue, dès 1920, la République indépendante d’Arménie. Finalement, il a fallu attendre 1991 pour que cela arrive.
D’autre part, l’Arménie est connue comme étant le berceau du Christianisme. Celui-ci existait déjà avant en Arménie, mais c’est en l’an 301 que le pays a adopté officiellement cette religion, après le baptême de son souverain de l’époque, Tiridate III. Ce dernier était un païen, qui, de même que toute sa cour, tomba très malade après qu’il eut jeté au martyre un groupe de jeunes vierges chrétiennes. Sa fille se rendit à Khor Virap, où Grégoire l’Illuminateur, chrétien, était enfermé depuis 12 à 15 ans (selon les sources) pour avoir refusé de reconnaître les fêtes païennes dédiées à la déesse Anahit. À force de prières, il parvint à guérir le roi, qui en retour, reconnut et adopta le Christianisme. Grégoire l’Illuminateur devint ainsi le premier Catholicos d’Arménie, soit le patriarche suprême de l’Église.
Voilà pour le côté historique.
Nous sommes allés à Khor Virap en bus depuis Erevan. Par son allure, le bus, un petit van, nous a plutôt rappelé les marchroutkas, mais à la différence de celles-ci, il n’a pas attendu d’être plein pour partir, c’était donc bien un bus, avec des horaires. Il nous a laissés un peu au milieu de nulle part (il n’y avait aucun panneau, même pas ne serait-ce que pour indiquer l’arrêt de bus). Celui du retour passait quatre heures plus tard, nous avons donc bien eu le temps de profiter de l’excursion.
Khor Virap est le monastère qui m’a le plus plu je crois. Perché sur une petite colline devant le mont Ararat, la vue qu’il offre est tout simplement magnifique. L’entrée du monastère est gratuite, nous avons pu flâner entre les bâtiments et visiter différentes pièces, dont certaines accessibles seulement par une petite échelle menant en sous-sol. Nous avons pique-niqué sur une colline proche, d’où nous avions une vue plongeante sur le monastère.
Petite anecdote : Khor Virap est, encore aujourd’hui, considéré comme un lieu sacré. C’est pourquoi certaines personnes viennent encore jusque-là pour y exécuter leur volaille.
Etchmiadzin
Le Catholicos, dont je parlais plus haut, vit à Etchmiadzin, en quelque sorte le Vatican arménien. Pour nous y rendre, nous avons cette fois voulu prendre un taxi collectif (les fameuses marchroutkas). Malheureusement, nous ne les avons pas trouvées et sommes à la place tombés sur un chauffeur de taxi, gentil mais bavard, et surtout, très insistant : Hovic. Cette rencontre aura en tous cas marqué notre voyage, car Hovic voulait nous emmener partout et pendant deux jours, nous n’avons pas cessé de le croiser.
Mais revenons-en à nos moutons. J’ai été quelque peu déçue par Etchmiadzin. Il faut dire que j’attendais beaucoup de ce lieu et que je me l’étais représenté différemment. Le problème d’avoir des attentes… Nous avons d’abord visité la partie monastère de la ville. Il s’agit d’une vaste zone agrémentée de plusieurs bâtiments. L’église principale était malheureusement en travaux, ce qui a également joué dans ma déception. D’autre part, de plus en plus de prêtres à travers l’Arménie veulent s’installer à Etchmiadzin, du fait de son importance. C’est pourquoi de nouveaux bâtiments, un peu trop modernes à mon goût, sont construits pour les accueillir.
Le reste de la ville n’avait rien d’exceptionnel mais n’était pas désagréable. Nous nous y sommes promenés un moment, avons vu d’autres églises, observé quelques minutes les convives d’un mariage avant qu’ils ne rentrent dans l’édifice, et acheté de quoi manger dans une petite épicerie. En Arménie, comme dans les autres pays de l’ex-URSS que nous avons visités, on ne se sert pas soi-même dans les rayons. Les produits sont alignés dans des vitrines ou sur des étagères derrière le comptoir et l’on demande ce que l’on souhaite. En dessert, nous nous sommes acheté des baklavas 😊
Les églises d’Arménie
Nous avons vu que l’Arménie était le berceau du Christianisme. Pas étonnant donc qu’elle regorge d’églises et que la visite de ces dernières ait constitué une grande partie de nos activités. Peut-être parce qu’elles sont différentes de celles que l’on connait, ou parce que je les ai trouvées très belles, je ne me suis pas lassée de les contempler. De plus, ces constructions, pour la plupart très anciennes, ont souvent été bâties dans des lieux insolites aux paysages magnifiques : au bord d’une falaise, comme Hovhanavank (plus au bord, on tombe), sur une pente abrupte, comme Kobayr ou au bout d’une avancée entre deux canyons, comme Amberd.
Le pays prend grand soin de ses églises et plusieurs de celles que nous avons pu voir étaient en rénovation. C’est le cas par exemple de Kobayr et Sanahin (dans le nord), ou de Goshavank (dans la région Tavoush). Dommage pour nos photos, mais je trouve que c’est une très bonne chose.
Une info linguistique : de nombreuses églises ont un nom qui se termine en « vank », comme Hovhanavank ou Goshavank, citées plus haut. Ce mot signifie « monastère » en arménien.
La petite anecdote de Sanahin : nous étions assis à une table de pique-nique en compagnie d’un spécialiste de la religion en Arménie rencontré dans notre B&B, lorsque nous avons entendu de longues plaintes. Les lamentations se sont amplifiées et nous avons vu arriver un cortège ouvert par un petit garçon portant la photo d’un homme. Derrière lui suivait le cercueil, ouvert et porté légèrement penché vers l’avant afin que tous puissent y voir le défunt. Suivaient les femmes (à l’origine des plaintes), puis les hommes. Ils sont passés juste à côté de nous, au pas, pour rejoindre le cimetière situé derrière l’église.
Les stèles sculptées que vous pouvez voir sur certaines photos sont appelées khatchkar et très répandues en Arménie. Le pays ayant été au mieux sous domination étrangère, au pire persécuté tout au long de son histoire, les gens se sont mis à graver des pierres plutôt que de sculpter du bois ou simplement écrire sur du papier, car la pierre est bien plus difficile à détruire. La sculpture de khatchkars est désormais un art protégé par l’UNESCO.
Oshakan est particulière car elle renferme la sépulture de Mesrop Mashtots, le créateur de l’alphabet arménien (en 405). L’alphabet y est ainsi représenté un peu partout, sur les vitraux, les portes, les tableaux, etc. Autrefois, cet alphabet était également utilisé comme table de nombres. Pour une idée de ce à quoi ressemble ces lettres, voilà aussi quelques photos du monument dédié à l’alphabet arménien, sur la route entre Hovanavank et Amberd.
Certaines églises sont incontournables. Nous avons déjà parlé du monastère de Khor Virap et d’Etchmiadzin. Je citerais également Noravank et ses escaliers de façade très raides : si l’on veut s’adresser à Dieu, il faut le mériter ; Tatev et la légende des jeunes filles à qui il a poussé des ailes, leur permettant d’échapper à l’ennemi ; et Haghpat, tout simplement magnifique.
Certaines églises ont des spécificités intéressantes. Celle de Shouchi, dans le Haut-Karabagh par exemple possède une pièce au sous-sol dont l’acoustique permet aux prêtres de répéter leurs sermons en s’entendant eux-mêmes comme les gens les entendent lorsqu’ils prêchent dans l’église. Nous avons essayé, c’est très bizarre de s’entendre comme ça !
Conclusion
Je me rends compte que j’ai encore beaucoup à vous raconter, mais que cet article commence à être un peu long. Je vais donc l’arrêter là et la prochaine fois, je vous parlerai entre autres du Haut-Kaghabakh et d’un site mégalithique que l’on appelle parfois le Stonehenge arménien.