Comment je rédige mes histoires courtes

Cela fait déjà quelques années que je rédige des histoires courtes pour un éditeur allemand. Ces histoires s’adressent à des lecteurs germanophones qui apprennent le français et veulent pratiquer ce qu’ils ont appris tout en se divertissant. Elles sont aussi souvent utilisées par des enseignants allemands comme support pour leurs cours de français langue étrangère (FLE).  

Les textes sont adaptés aux différents niveaux du cadre européen commun de référence pour les langues. Ils sont accompagnés d’exercices ludiques et d’un glossaire. De manière générale, chaque histoire fait une quarantaine de pages. Il arrive qu’elles soient plus longues, environ 130 pages, pour les niveaux déjà plus élevés.

En ce moment, je suis en plein dans la rédaction de deux nouvelles histoires courtes. Du coup, j’ai eu envie de vous parler un peu de ma manière de procéder.

Mon processus de rédaction

Je suis assez libre dans le choix des sujets que j’aborde. Suivant le type de livre pour lequel je rédige une histoire, je reçois certaines indications. Par exemple, on me demande souvent des intrigues policières, car c’est ce qui est le plus apprécié. Parfois, il y a déjà un titre ou un thème pour le livre, et je dois trouver une idée qui s’inscrive dedans.

Je commence toujours par rédiger une brève présentation de mon idée : je décris les personnages principaux et le déroulement de l’histoire. Mon éditrice me dit ce qu’elle en pense et émet quelques suggestions. C’est une étape que j’aime bien, une sorte de brainstorming où tout est encore possible. Lorsque nous sommes d’accord sur la trame de l’histoire, je me lance dans la rédaction. Cette trame sert de fil conducteur, afin que mon éditrice et moi sachions dans quelle direction nous avançons, mais je peux bien sûr me permettre d’en dévier un peu si d’autres idées me viennent au fil de l’écriture.

Au début, mon éditrice me demandait de lui envoyer l’histoire au fur et à mesure de mon avancement, chapitre par chapitre. Elle me proposait un calendrier avec toutes les dates butoir. Maintenant, j’ai la chance d’avoir de l’expérience et une éditrice qui connait et aime mon travail. J’ai donc plus de liberté et je peux me permettre d’écrire à ma guise. J’avoue que c’est très agréable ! Le gros avantage, c’est que je peux plus facilement faire des modifications sur les premiers chapitres si j’ai une meilleure idée en cours de route. C’est possible aussi dans une certaine mesure quand on envoie les chapitres un par un, mais c’est plus délicat.

Mon travail est toujours relu par mon éditrice, puis m’est renvoyé pour que je vérifie les modifications qui ont été effectuées ou proposées. Je reçois une dernière fois le manuscrit une fois que la mise en page a été faite. Je relis alors l’ensemble en faisant attention à ce que tout soit en ordre. Je regarde notamment que les mots en fin de ligne aient été coupés correctement, qu’il ne manque pas d’espace ou de saut de ligne, qu’il ne reste pas de faute d’orthographe ou autre cachée dans le texte, etc. Et voilà !

À quoi faut-il faire attention lors de la rédaction de textes FLE ?

En soi, rédiger des histoires courtes est plus simple que d’écrire un roman. Il est beaucoup plus facile de garder une vue d’ensemble et de se souvenir des détails lorsque l’on écrit 30 pages que lorsque l’on en a déjà 300. Mais, dans le cas de textes FLE, donc destinés à des personnes ayant un niveau de langue précis, il y a des contraintes à respecter, et celles-ci rendent la tâche parfois un peu épineuse.

D’abord, la longueur de l’histoire m’est imposée, même si elle n’est pas fixe à une ou deux pages près. Il m’est arrivé d’avoir du mal à faire tenir toute mon histoire dans le nombre de pages disponibles ou d’avoir à raccourcir des passages pour que la mise en page fonctionne.

Surtout, le niveau de langue doit être adapté au niveau de français des lecteurs. Pour une histoire de niveau A1 ou A2 (débutant) par exemple, l’histoire doit absolument se dérouler au présent, car les autres temps de conjugaison n’ont pas encore été abordés. Il est possible de glisser une forme passée ou future par-ci par-là lorsque cela est vraiment nécessaire, mais il faut que cela reste exceptionnel. Je dois donc parfois avoir recours à des subterfuges, comme les flash-backs, surtout lorsque j’écris des enquêtes policières. Mais il n’y a pas que le temps du récit auquel il faille faire attention. Toute la grammaire utilisée doit correspondre au niveau voulu. Il faut donc adapter la longueur des phrases par exemple. Pour un niveau débutant, elles seront courtes, avec le moins possible de subordonnées. La voix active et le discours direct sont de mise, les dialogues nombreux.

En plus de la grammaire, il faut prendre garde au vocabulaire employé. Chaque histoire est accompagnée d’un glossaire, certes, mais le but n’est pas que les lecteurs passent leur temps à s’interrompre pour regarder ce qu’un mot veut dire. J’essaye donc de choisir un vocabulaire simple ou transparent par rapport à l’allemand, la langue de mes lecteurs.

Pour tout cela, mon expérience en tant qu’enseignante de FLE est très précieuse. Grâce à elle, je connais très bien les différents niveaux du cadre européen commun de référence et je sais adapter mes textes en fonction de mon lectorat.

La rédaction d’exercices

Mon expérience en tant qu’enseignante de FLE m’est également utile dans la rédaction des exercices qui accompagnent chaque histoire. D’ailleurs, c’est une partie de ce travail que j’aime beaucoup, car les exercices doivent être ludiques et je m’amuse souvent à créer de petits mots-croisés ou des devinettes sous différents formats.

Les exercices sont répartis en trois catégories : compréhension, grammaire et vocabulaire et parsèment le texte. Certains sont même directement intégrés au texte. Une histoire courte d’une trentaine de pages doit contenir une dizaine d’exercices ainsi qu’un test final de trois exercices environ sur l’ensemble de l’histoire. Il faut donc faire preuve d’imagination pour que les exercices ne se répètent pas, que ce soit dans leur forme ou dans leurs thèmes.    

Encadrés et glossaires

Chaque histoire courte comprend aussi de petits encadrés qui contiennent des informations culturelles ou linguistiques. Ces encadrés permettent par exemple d’expliquer en bref un point de grammaire un peu difficile pour le niveau des lecteurs. Je peux les utiliser aussi pour souligner des différences entre le langage parlé et le langage écrit, pour expliquer des expressions idiomatiques ou tout simplement pour parler de la France et de la culture française. Dans « Un Voyage éternel », par exemple, j’ai profité du fait que mes personnages aillent manger dans un restaurant de Lyon pour expliquer en quelques mots ce qu’est un bouchon lyonnais.

Le glossaire me permet d’enrichir le vocabulaire du lecteur. Je souligne les mots difficiles et ceux-ci sont indiqués dans un encadré directement sur la page concernée ainsi que dans un glossaire complet à la fin du livre.  

Voilà ! J’espère que cet aperçu des coulisses de la rédaction d’histoires courtes pour le FLE vous a intéressé ! N’hésitez pas à consulter la liste des histoires courtes que j’ai écrites sur la page Réalisations du site. Peut-être connaissez-vous quelqu’un qui apprend le français ou aurez-vous envie de découvrir mes histoires, même si votre langue maternelle est déjà le français.

Et vous, connaissez-vous et lisez-vous ce genre d’histoires lorsque vous apprenez une langue étrangère ?