Belle Infidèle, Romane Lafore

Belle Infidèle, premier roman de Romane Lafore, transporte le lecteur en Italie, dans les Pouilles, mais aussi dans les coulisses de la traduction littéraire et de l’édition.  

Belle Infidèle, c’est l’histoire d’un traducteur littéraire, donc.  Rien que ça déjà, ça m’a donné envie de découvrir ce livre. Parce que des romans qui parlent d’écrivains, il y en a plein, mais des romans qui parlent de traducteurs, il n’y en a pas tant que ça. Et puis l’Italie, ça a des petits airs estivaux et en ces temps où il est difficile de voyager, plonger sous le soleil des Pouilles, ça fait du bien.  

Bon, mais plus précisément, Belle Infidèle, ça parle de quoi ? Depuis plus de trois ans, Julien ne se remet pas de la fin de sa grande histoire d’amour avec Laura, une belle Franco-Italienne qu’il a rencontrée lors de son séjour Erasmus. Avec l’espoir que cela l’aidera à tirer définitivement un trait sur elle, il rêve d’écrire un roman inspiré de leur relation, mais ce projet ne décolle pas plus que sa carrière de traducteur. Un jour pourtant, l’éditrice d’une grande maison parisienne le contacte pour lui confier la traduction d’un roman très en vogue en Italie, Rebus. Au fils du travail minutieux qu’il effectue sur ce roman, Julien découvre de nombreux parallèles avec sa propre vie, qui le mènent à reconsidérer un certain nombre de choses.

J’ai beaucoup aimé la multitude d’images sensorielles prenant vie sous la plume de Romane Lafore, sa manière de décrire des lieux, des personnes, mais aussi des sentiments. Je me suis attachée aux personnages, d’ailleurs, j’aurais bien aimé en apprendre un peu plus sur certains d’entre eux, passer plus de temps en leur compagnie. Celle de Salvatore par exemple. Mais ce que j’ai trouvé vraiment génial, c’est la manière dont Romane Lafore fait entrer la langue italienne dans son roman. Par la traduction de Julien, ses réflexions, sa recherche du mot juste pour rendre la subtilité du texte italien de Rebus. Mais aussi par le biais de plusieurs personnages parlant et maîtrisant plus ou moins les deux langues, français et italien. En insérant de l’italien directement dans son texte – toujours de manière à ce que le lecteur s’y retrouve, ne vous inquiétez pas –, Romane Lafore rend, je trouve, parfaitement les dilemmes se présentant aux traducteurs dans leur travail.

Et cela m’amène au titre du roman. Car les belles infidèles, ce sont des « traductions libres, fleuries et souvent parcellaires des textes de l’Antiquité, qui privilégient l’élégance finale du français à la fidélité au texte d’origine ». Une question à laquelle les traducteurs, et dans le roman, Julien, sont encore confrontés aujourd’hui : doivent-ils privilégier la fidélité au texte d’origine, quitte à ce que le français paraisse étrange dans certains passages, ou doivent-ils lisser le texte pour qu’il sonne bien, au détriment de certaines subtilités ?

Le roman présente plusieurs autres aspects intéressants, notamment la mise en abyme, ici un peu poussée à l’extrême avec un livre dans le livre dans le livre : Julien traduit un roman dans lequel le personnage principal écrit un livre à partir d’un manuscrit laissé par son père. Ajoutés à cela les parallèles se dessinant entre la vie de Julien et celle du personnage de Rebus, on pourrait s’attendre à un vaste méli-mélo, mais en fait, tout se tient bien. Le changement de ton, de temps et de personne du récit lorsque l’on passe de Julien au héros du livre qu’il traduit permet une bonne séparation malgré les ressemblances entre les deux histoires.

Enfin, deux autres tours de force très réussis : Romane Lafore a su se mettre dans la peau dans un homme pour créer un personnage principal masculin crédible, Julien, et elle a également réussi à faire vivre et vibrer un personnage pourtant complètement absent, celui de Laura, que le lecteur ne découvre qu’à travers le regard des autres.

Vous l’aurez compris, pour moi, il s’agit ici d’un roman qui vaut le coup d’être lu. Et si vous souhaitez en savoir plus, je vous recommande chaudement l’interview d’Émilie Deseliène avec Romane Lafore sur sa page podcast.ausha.co/la-page-blanche (interview #12).

Auteure : Romane Lafore

Éditeur : Éditions Stock