8 caractéristiques de l’allemand que vous ignoriez

Richard Porson, érudit anglais du XVIIIe siècle, a dit : « La vie est trop courte pour apprendre l’allemand. »

Je pense que les linguistes s’accorderont à dire que cela s’applique à n’importe quelle langue, mais nous comprenons tous ce que Porson a voulu dire par là : l’allemand, c’est pas de la tarte.

Pour commencer l’année, j’ai eu envie de vous parler de cette langue que j’adore en vous présentant huit de ses caractéristiques que vous ignoriez sans doute.

 

1. L’allemand est une langue à déclinaisons.

En français, la fonction des mots ou des groupes de mots est généralement indiquée par leur place dans la phrase. En allemand, les noms et les adjectifs se déclinent, et c’est donc leur terminaison qui sert d’indicateur. L’allemand comprend quatre cas (le finnois en compte 15, je vous laisse spéculer sur le nombre de vies nécessaire pour l’apprendre) :

·         le nominatif = sujet,

·         l’accusatif ≃ complément d’objet direct,

·         le datif ≃ complément d’objet indirect,

·         le génitif, entre autres, pour marquer la possession/l’appartenance.

En allemand, il y a en outre non pas deux, mais trois genres : le masculin, le féminin et le neutre. Pour savoir comment décliner un mot, il est nécessaire de connaître son genre.

 

2. Un accent oublié peut avoir des conséquences de taille.

En allemand, seules les lettres a, o et u peuvent prendre un accent, l’Umlaut, et deviennent ainsi ä, ö, ü. Umlaut signifie « inflexion », ce qui veut dire que la prononciation de la lettre qui porte le Umlaut change. Là où les choses se compliquent, c’est lorsque deux mots complètement différents ne se distinguent que par ce fameux Umlaut. Si on l’oublie, on peut se retrouver à dire quelque chose de très différent de ce que l’on avait l’intention d’exprimer.

Par exemple, pour le réveillon, je voulais parler de dinde grillée (geröstet), mais ma langue a fourché et j’ai donc évoqué une dinde rouillée (gerostet). Je préfère ne pas imaginer ce que ça donnerait en vrai.

Quelques autres exemples :

·         fördern : promouvoir, aider, favoriser / fordern : exiger, réclamer, requérir

·         drucken : imprimer / drücken : appuyer, pousser

 

3. Avec les préfixes aussi, une erreur est vite commise.

Un autre moyen de ne pas dire ce que l’on avait prévu en allemand est de se tromper de préfixe. Et cela peut aller vite, car, comme vous allez le voir, les possibilités sont vastes !

Prenons un exemple courant, les composés en -fall. En voici quelques-uns :

·         Abfall (les déchets)

·         Anfall (l’attaque, la crise)

·         Ausfall (la défaillance, la panne)

·         Einfall (l’idée)

·         Unfall (l’accident)

·         Zufall (la coïncidence)

Ce n’est même pas comme si les sens de ces mots étaient voisins…

 

4. Le verbe est toujours en 2e place, sauf quand il n’y est pas.

Et cela arrive plus souvent qu’on ne croit. Je vous passe les explications grammaticales, mais en gros, dans de nombreux cas, le verbe est relégué à la fin de la phrase (ou de la proposition subordonnée). Lorsque l’on n’a pas l’habitude, cela peut être très perturbant. Quand mon allemand a commencé à me permettre de tenir une conversation, à moins de mettre sciemment le verbe en deuxième position même quand il n’avait rien à y faire, je l’oubliais presque systématiquement.

Selon un de mes professeurs d’allemand à Münster, le fait que le verbe soit souvent en fin de phrase expliquerait peut-être le caractère plus calme et posé de nos voisins les Germains. Je vous en parlais dans cet article : Le Fernweh, ou ces mots intraduisibles

 

5. Le « vous » de politesse n’est pas un « vous ».

Une autre caractéristique qui m’a beaucoup posé problème lors de mon apprentissage de l’allemand est l’emploi de la forme de politesse. En français, on utilise la deuxième personne du pluriel, soit « vous ». En allemand en revanche, la deuxième personne du pluriel ne sert qu’à s’adresser à un groupe de personnes que l’on tutoie. Pour vouvoyer quelqu’un (seul ou en groupe), il faut utiliser la troisième personne du pluriel. Même si le tutoiement est plus répandu en Allemagne qu’en France, vous penserez donc bien à utiliser le « Sie » (avec une majuscule à l’écrit) lorsque vous voudrez vouvoyer quelqu’un. D’ailleurs, « vouvoyer » se dit bien « siezen » en allemand.

 

6. Les Allemands aiment les mots composés à rallonge.

D’accord, cette caractéristique-là est très connue : en allemand, beaucoup de mots, courants et moins courants, sont simplement composés de deux ou plusieurs autres mots. Là où le français aura inventé un mot de toutes pièces, l’allemand en aura créé un de manière très descriptive. Par exemple les gants sont des « chaussures pour mains » (Handschuhe), les mouchoirs des « draps de poche » (Taschentuch) ou les limaces des « escargots tout nus » (Nacktschnecken).

Sans parler des noms de loi qui peuvent atteindre plus de 60 lettres (Rinderkennzeichnungsfleischetikettierungsüberwachungsaufgabenübertragungsgesetz et à vos souhaits !), le Duden, référence en la matière, contient de nombreux mots à rallonge comme Finanzdienstleistungsunternehmen (« entreprise de services financiers », 32 lettres) ou encore Kraftfahrzeughaftpflichtversicherung (« assurance responsabilité civile automobile », 36 lettres). Autant pour notre « anticonstitutionnellement » si fièrement appris à l’école.

 

7. L’allemand est une langue féministe !

Ou féminine. À chacun sa perspective. Quoi qu’il en soit, dans la langue de Goethe, les mots féminins sont les plus nombreux. Je vous disais plus haut qu’en allemand, il existait trois genres : le masculin, le féminin et le neutre. Eh bien selon le Duden, encore lui, le genre des mots allemands serait réparti comme suit :

·         Féminin : 46 %

·         Masculin : 34 %

·         Neutre : 20 %

En français, il y aurait aussi environ 45 % de mots féminins, mais contre 55 % de mots masculins, puisque le neutre n’existe pas.

 

8. L’allemand comporte de nombreux mots français.

Lorsque j’ai commencé à apprendre l’allemand, j’ai été très surprise de la quantité de mots anglais surgissant en milieu de phrase. Bizarrement, j’ai moins remarqué tous les mots français – les « gallicismes », pour ceux qui voudraient le terme technique – qui se glissent eux aussi dans la langue de nos voisins outre-Rhin. Et pourtant, il y en a un paquet !

Par exemple :

·         das Rendezvous (attention, il s’agit en allemand uniquement du rendez-vous galant),

·         das Portemonnaie,

·         apropos,

·         der Charme,

·         die Bagatelle,

·         der Balkon,

·         das Souvenir (le souvenir que l’on rapporte de voyage),

·         der Cousin/die Cousine,

·         das Exposé,

·         das Café (le lieu ; la boisson se dit der Kaffee)…

Comme vous pouvez le voir, l’orthographe de ces mots varie parfois. Il en va de même de leur prononciation, ce qui explique qu’on ne les reconnaisse pas toujours au premier coup d’oreille.

Il existe cependant aussi de faux gallicismes. Le plus courant d’entre eux est probablement der Friseur, qui sonne comme un mot français mais n’en est pas un, et désigne un coiffeur.