Virginie Pironin

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Le Fernweh, ou ces mots intraduisibles

Connaissez-vous le Fernweh ? C’est un mot allemand composé de fern, le lointain, et de weh, le mal, la douleur. Il signifie donc avoir « le mal de l’ailleurs », « la nostalgie de ce qui est lointain ». J’aime énormément ce terme car il définit précisément ce besoin incessant de toujours explorer de nouveaux horizons que j’ai toujours ressenti sans jamais avoir de mot pour le nommer. Je rêve sans cesse de nouveaux voyages, de nouvelles découvertes à l’autre bout du monde. Quand j’ai passé trop de temps à un endroit, j’ai besoin d’aller voir ailleurs, I have itchy feet, mes pieds me démangent comme diraient les Anglais.

On entend souvent dire que les langues reflètent la manière de penser de leurs locuteurs. Je me souviens encore d’un exemple pris par un de mes professeurs lors de ma semaine d’intégration Erasmus à Münster en Westphalie (Allemagne) : les Latins sont réputés avoir un fort caractère et tendance à s’exprimer bruyamment, tandis que les Allemands seraient un peuple froid et réservé. Et si cela était lié à leur langue ? En italien ou en espagnol, l’information importante (le verbe) est placée en début de phrase, ce qui rend le reste accessoire ; on peut laisser libre cours à ses émotions, s’interrompre ou crier à ne plus s’entendre. En allemand en revanche, on est obligé d’attendre la fin de la phrase pour savoir de quoi il retourne, bien obligé donc de garder son calme jusqu’au bout.

Le fait qu’il n’existe pas d’équivalent français pour le Fernweh, ni d’ailleurs pour le Wanderlust, qui désigne un fort désir de voyager (de wandern, randonner et Lust, l’envie), serait-il lié à la réputation casanière des Français, qui préfèreraient passer leurs vacances dans leur propre pays, puisqu’ils y ont déjà tout ce que l’on peut désirer ?

Quoi qu’il en soit, c’est bien l’une des choses que j’aime le plus dans la découverte d’autres langues : il ne s’agit pas seulement d’utiliser des mots différents pour décrire un même objet ou un même sentiment, on découvre aussi de tout nouveaux concepts, qui ne sont pas exprimés dans notre langue maternelle, et par conséquent, n’existent pas dans notre culture, ni dans notre esprit. Parfois, on les ressent, mais sans jamais avoir eu de mot à mettre dessus. Comme cela a été le cas pour moi lorsque j’ai découvert le Fernweh ou le Wanderlust.

Envie de quelques exemples supplémentaires ? Toujours dans le registre du voyage, ou du changement de décor, le « dépaysement » est un terme qui ne connait d’équivalent exact ni en anglais, ni en allemand. Et plus amusant, avez-vous déjà entendu parler du man flu, la grippe de l’homme ? Selon cette expression anglophone, lorsque les hommes prennent froid, ils auraient tendance à exagérer l’intensité de leurs symptômes ou à réellement éprouver des symptômes plus graves que ceux d’un simple rhume ! Ou du Kummerspeck, le « lard de chagrin » allemand, c’est-à-dire, les kilos s’accumulant suite à un grignotage émotionnel intensif ? 

Connaissez-vous, vous aussi, des mots ou des concepts d’autres langues intraduisibles en français ou vice versa ? Que pensez-vous de l’explication de mon prof à Münster et du lien entre langue et culture ?